L’État et EDF sont parvenus à un accord sur le futur prix de l’électricité destiné à assurer la « stabilité » des factures des consommateurs, mais ce nouveau modèle, négocié en coulisses durant de longs mois a immédiatement été critiqué par des associations de consommateurs et industriels.
Fruit de « longues » négociations, « parfois difficiles » selon les mots du ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, cet accord prévoit que le prix de l’électricité produite par la totalité du parc nucléaire français devra atteindre une cible moyenne de 70 euros le MWh à partir de 2026 et pour 15 ans.
Dans cette nouvelle régulation, les éventuels revenus supplémentaires engrangés par EDF en cas de hausses de prix sur les marchés seront reversés pour partie aux consommateurs, afin « d’éviter une explosion des prix similaire à celle de 2022 », a résumé la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
« Avec cet accord, nous avons réussi à trouver un équilibre vital entre la compétitivité de notre industrie, la visibilité, la stabilité pour les ménages [concernant les prix] et le développement d’EDF », a fait valoir Bruno Le Maire.
« EDF est une entreprise nationalisée », mais «EDF doit être rentable, nous ne sommes pas en Union Soviétique », a souligné le ministre, qui refusait de voir le groupe, plombé par une dette abyssale de 65 milliards d’euros, vendre son électricité à « prix cassé ».
« Hausses de prix »
Dans les faits, le nouveau cadre « va se traduire quand même par des hausses de prix de l’énergie, mais elles vont être limitées. Les prix vont surtout être moins volatils que par le passé », avait expliqué plus tôt le ministre de l’Industrie Roland Lescure sur France Info.
Concrètement, cet accord est destiné à prendre le relais du mécanisme actuel de régulation, dit de l’Arenh, qui s’arrête fin 2025. A l’approche de cette échéance, Emmanuel Macron avait promis une reprise du « contrôle du prix de l’électricité ».
L’objectif est de « rester une des nations les plus compétitive en Europe pour les prix de l’électricité », a insisté Bruno Le Maire, au moment où l’Allemagne s’apprête à injecter 30 milliards d’euros d’aides pour réduire les prix de l’électricité consommée par son industrie.
Dans le mécanisme actuel, depuis 2012, EDF était contraint par l’État de vendre une partie de son électricité au prix cassé de 42 euros le MWh aux fournisseurs alternatifs, qui devaient le répercuter sur les factures des consommateurs finaux.
Le nouveau dispositif lui permet de « couvrir de façon soutenable l’ensemble des coûts » de son parc nucléaire ainsi que ses investissements dans les six réacteurs que l’exécutif veut construire, explique le ministère de la Transition énergétique.
Les consommateurs seront « beaucoup moins exposés qu’aujourd’hui aux prix du marché », assure le PDG d’EDF.
« Accord négocié dans l’ombre »
Concrètement, le nouveau cadre les protègera grâce à un système de plafonnement qui sera activé « dès lors que les prix d’EDF seraient significativement supérieurs au prix d’équilibre moyen de 70 euros le MWh », selon Mme Pannier-Runacher.
Dès que le prix moyen dépassera les 78 à 80 euros le MWh, 50% des revenus supplémentaires engrangés par EDF au-delà de ce seuil iront « à la collectivité », donc aux consommateurs. Si le prix moyen dépasse 110 euros, la captation de ces revenus excédentaires sera de 90%.
Cela ne signifie cependant pas que les consommateurs paieront effectivement 70 euros: EDF sera incité à tendre vers cet objectif via sa politique commerciale, avec notamment « des efforts » à l’égard des clients industriels gros consommateurs d’énergie, indique-t-on de source gouvernementale.
Très attendu, l’accord a toutefois reçu un accueil dubitatif, voire glacial, de la part de certains représentants de consommateurs et d’industriels. Regrettant un manque de transparence quant à la définition du prix de référence, l’association UFC-Que choisir a critiqué « un accord de marchands de tapis négocié dans l’ombre ».
Le Comité de liaison des entreprises consommatrices d’électricité (Cleee), a lui dénoncé un « mécanisme d’une redoutable complexité », assurant que le dispositif ne protègera en réalité le consommateur que « de manière très partielle ».
« Beaucoup reste à préciser », a estimé pour sa part l’Uniden, syndicat des plus grosses entreprises consommatrices d’électricité.
Une consultation avec les parties prenantes doit démarrer dans les prochains jours.
© 2023 AFP
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