Un rapport récent de l’Observatoire des technologies de l’énergie propre (CETO) de la Commission européenne dresse un constat alarmant. Si l’Union européenne excelle dans la production de certains équipements photovoltaïques avancés, sa base industrielle pour les composants fondamentaux – lingots, plaquettes, cellules et modules – accuse un retard considérable par rapport aux objectifs ambitieux du Net Zero Industry Act (NZIA). Cette situation menace la résilience de sa chaîne d’approvisionnement et sa souveraineté énergétique.

Un fossé industriel entre ambitions et réalité

Le NZIA, pilier du plan industriel du Pacte vert européen, vise à produire localement 40% des besoins annuels de déploiement photovoltaïque de l’UE d’ici 2030. Pour y parvenir, le bloc aurait besoin d’une capacité de production d’environ 76 gigawatts (GW) pour chaque maillon clé de la chaîne de valeur (polysilicium, lingots, plaquettes, cellules, modules).

Or, les données du CETO révèlent une réalité bien différente :

  • Polysilicium photovoltaïque : 25 GW de capacité.
  • Modules photovoltaïques : 12 GW.
  • Cellules photovoltaïques : ~2 GW.
  • Lingots et plaquettes de qualité photovoltaïque : 0 GW.

Ce décalage massif rend l’objectif du NZIA hors de portée sans un changement de paradigme industriel immédiat. La dépendance aux importations, principalement en provenance de Chine, expose l’Europe à des risques géopolitiques et fragilise ses projets de transition énergétique.

Les points forts : onduleurs et trackers solaires

Le tableau n’est pas entièrement sombre. L’UE conserve une position de leader mondial dans deux segments technologiques à haute valeur ajoutée :

  • Onduleurs photovoltaïques : Avec une capacité de production de 142 GW, l’Europe dépasse largement l’objectif intermédiaire et détient environ 23% de la production mondiale.
  • Trackers et structures de montage : Une capacité de 121 GW place également l’UE en tête, avec une part de marché mondial estimée à 34%.

Cette domination s’explique par un savoir-faire historique, une innovation continue et une forte intégration industrielle. Elle démontre que la fabrication européenne peut être compétitive sur la scène internationale.

Pourquoi un tel retard sur les cellules et modules ?

La concurrence asiatique, soutenue par des coûts de production nettement inférieurs et des capacités industrielles gigantesques, a submergé le marché ces dernières années. De nombreux projets d’usines européennes ont été reportés ou annulés face à cette pression, conduisant à des fermetures d’usines existantes. Le rapport du CETO souligne que pour être viables, les futures usines européennes doivent être à l’échelle du gigawatt, hautement automatisées et entièrement intégrées, de la production du polysilicium à l’assemblage du module, pour réduire les coûts.

Une action politique urgente est requise

Les analystes s’accordent sur la nécessité d’une réponse politique ferme et coordonnée au niveau européen. Un rapport conjoint de SolarPower Europe et du Fraunhofer ISE publié en octobre 2023 indiquait que des politiques ciblées pourraient combler l’écart de prix avec les importations chinoises et permettre d’atteindre l’objectif de 30 GW de capacité de fabrication annuelle d’ici 2030.

Ces mesures pourraient inclure :

  • Un cadre réglementaire stable et des procédures d’autorisation accélérées pour les nouvelles usines.
  • Des instruments financiers de soutien (subventions, prêts avantageux, garanties).
  • Des critères de durabilité et de résilience dans les appels d’offres publics pour les projets solaires.
  • Le développement de programmes de formation pour les compétences industrielles nécessaires.

La relance d’une filière solaire manufacturière en Europe n’est pas seulement une question économique, mais un impératif stratégique pour sécuriser son approvisionnement énergétique, créer des emplois qualifiés et atteindre ses objectifs climatiques.

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