Décryptage du projet de décret sur l’agrivoltaïsme : le taux d’ombrage en débat - PV Solaire Énergie

Décryptage du projet de décret sur l’agrivoltaïsme : le taux d’ombrage en débat

Alors que la publication du décret relatif au développement de l’agrivoltaïsme est attendue dans les prochaines semaines, pv magazine France fait le point sur certains critères loin de faire l’unanimité, en particulier autour du taux de couverture des panneaux solaires et de la notion de perte de rendement.Issu de la loi l’accélération de la production d’énergies renouvelables promulguée le 10 mars 2023, le projet de décret sur l’agrivoltaïsme a pour objectif de permettre l’application de l’article 54, en définissant les conditions de développement de l’agrivoltaïsme et d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers. Celui-ci a fait l’objet d’une procédure de consultation qui s’est clôturée le 16 janvier et son entrée en vigueur est attendue fin février.
Concernant le taux de couverture (le rapport entre la surface couverte de panneaux et la surface totale de la parcelle), un arrêté ministériel définira, en fonction du mode de culture ou d’élevage, du procédé technique photovoltaïque utilisé et de l’implantation géographique, une liste de “technologies agrivoltaïques éprouvées” au regard des retours d’expérience fournis par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Par type de technologie, une valeur maximale de taux de couverture adaptée sera ainsi fixée afin de garantir que la production agricole reste l’activité principale de la parcelle. Les sites concernés seront aussi exemptés de zone témoin et seront soumis à des contrôles portant sur la production agricole tous les cinq ans.
Un seuil d’ombrage trop important ?
Cependant, nul ne sait quand cette liste fixée par arrêté sera publiée. Pour l’heure, la majorité des projets devra donc respecter les conditions fixées par le décret qui propose, en l’état, de limiter le taux de couverture maximal à 40 % uniquement pour les installations agrivoltaïques non-éprouvées d’une puissance supérieure à 10 MW. Elles devront en outre mettre en place une zone témoin ou justifier d’une installations agrivoltaïque similaire à proximité et seront soumises à des contrôles tous les trois ans sur le rendement et sur la production agricole. Quant aux technologies ayant un taux de couverture supérieur à 40 %, elles devront mettre en place une zone témoin et seront soumises à des contrôles annuels.
« Parallèlement, le décret fixe un deuxième critère pour protéger les cultures agricoles, à savoir la limite de perte de rendement moyen par hectare de 10 % pour les installations agrivoltaïques sur culture », ajoute Alizée Loiseau, consultante Agriculture & Territoires pour le cabinet d’expertise-conseil en agroenvironnement Agrosolutions, lors d’une interview avec pv magazine France. Mais, pour les experts, les critères de 40 % d’ombrage et de 10 % de perte de rendement semblent difficilement compatibles.
En effet, selon l’entreprise Sun’Agri et le fabricant de systèmes sur trackers OKwind, « un taux de couverture de 40% est un seuil largement supérieur aux recommandations des experts scientifiques et pourrait potentiellement impliquer des dégradations de rendement majeur ». Ils se réfèrent pour cela à une étude menée par l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE) sur la relation entre le taux de couverture et le rendement de la zone cultivée dans des parcelles agricoles sous système agrivoltaïque. Celle-ci estime ainsi qu’un taux de couverture de 40 % pourrait entraîner des baisses de rendement de 38 % en moyenne.
« Pour certaines cultures, comme les fraises, le véritable facteur limitant est la lumière, abonde Alizée Loiseau. L’ombrage provoque une chute de rendement importante. Le taux de couverture devra donc être beaucoup plus faible que les 40 % ». Tandis que la Fédération Française des Producteurs Agrivoltaïques (FFPA) défendait un taux d’emprise maximal de 45 %, afin de garantir les la viabilité économique des projets agrivoltaïques » tandis que les développeurs et énergéticiens sont confrontés à des prix de raccordement et de Capex en hausse, le syndicat agricole Jeunes Agriculteurs avait de son côté milité pour un seuil d’ombrage maximal de 25 % quel que soit le projet. Faute d’avoir été entendus sur ce point, l’organisation syndicale se félicite toutefois de l’adoption « du point crucial concernant la baisse de rendement limitée à 10 % ».
Exceptions aux 10 % de limite de perte de rendement
Toutefois, si le décret fixe une perte de rendement maximale de 10 %, il intègre aussi plusieurs exceptions. Ainsi, une diminution plus importante pourra être acceptée « si l’installation agrivoltaïque permet une amélioration significative et démontrable de la qualité d’une production agricole, par comparaison avec des références antérieures dans le cas d’une production agricole préexistante, ou par comparaison avec la zone témoin ou le référentiel en faisant office en cas de nouvelle production ». « Nous espérons que les critères d’évaluation de la qualité, ainsi que ceux pour le suivi des zones témoin seront précisés dans l’arrêté, nuance Alizée Loiseau. Ils devront en tout cas être définis et standardisés par type de production, pour qu’il puisse y avoir comparaison des données et des systèmes ». Outre cette notion d’augmentation de la qualité, le critère des 10 % de perte de rendement demande aussi à être regardé dans son ensemble. « En effet, un rendement agricole doit être observé sur plusieurs années, en tenant compte des incidents climatiques, relate Alizée Loiseau. Le fait d’apposer des panneaux sur un champ peut effectivement entraîner une petite baisse de rendement sur l’année, mais évite aussi les années catastrophiques en cas de grêle ou de gel. Ce qui garantit une régularité de rendement à l’agriculteur ».
Enfin, Sun’Agri et OKwind pointent du doigt que les installations agrivoltaïques d’élevage et sur serre sont exonérées d’obligation de rendement minimale dans le décret : « rien ne justifie que l’élevage et les serres soient exemptés d’obligation de rendement car ces structures sont également contraintes par la loi d’avoir une production agricole significative. Ces critères peu contraignants du décret favorisent injustement les projets sur serre et sur élevage et les risques de dérives », écrivent les deux acteurs dans une note.

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