Une coalition de onze fabricants européens de panneaux solaires monte au créneau contre le gouvernement italien. Ils dénoncent une disposition clé de la loi de finances 2026 qui, selon eux, fausse la concurrence en réservant un avantage fiscal crucial à une technologie photovoltaïque spécifique : l’hétérojonction (HJT). Cette mesure, destinée à stimuler les investissements, risque selon l’industrie d’étouffer l’innovation, d’augmenter les coûts et de ralentir le déploiement des énergies renouvelables en Italie.

Le « Super amortissement » italien au cœur du débat

Le dispositif incriminé est l’Iperammortamento (Super amortissement). Cet avantage fiscal permet aux entreprises de déduire une part majorée de leurs investissements dans des biens d’équipement, y compris les systèmes photovoltaïques couplés à des projets d’efficacité énergétique. Initialement conçu pour moderniser l’industrie, son champ d’application a été restreint par des amendements récents.

Les nouvelles règles, publiées fin octobre 2023 et modifiées par la suite, limitent l’éligibilité aux seuls modules bifaciaux à hétérojonction fabriqués en Europe avec un rendement de cellule supérieur à 24%, ainsi qu’aux panneaux tandem à pérovskite. Cette dernière technologie n’étant pas encore disponible à l’échelle commerciale, le bénéfice se concentre de facto sur les panneaux HJT.

Une distorsion de concurrence au profit d’un seul acteur ?

Les onze fabricants signataires – Bisol, Eurener, FuturaSun, FlySolartech, Omnia Solar, SonnenKraft, SoliTek, Soluxtec, Solvis, Sunerg Solar et Torri Solare – estiment que ce cadre réglementaire crée un marché captif. Ils pointent du doigt le fait qu’il favoriserait principalement 3Sun, l’usine de fabrication du géant énergétique italien Enel, qui produit justement des panneaux à hétérojonction.

« Cette architecture crée une restriction manifeste du marché, favorisant in fine un seul acteur industriel », peut-on lire dans leur déclaration commune. Les technologies dominantes et en forte croissance sur le marché mondial, comme les modules TOPCon (Tunnel Oxide Passivated Contact) ou à contact arrière, sont exclues du dispositif, bien qu’elles représentent une part majoritaire de la production et des innovations actuelles.

Pour comprendre l’importance de ces technologies sur le marché global, des ressources comme les rapports de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) ou les analyses du Fraunhofer Institute for Solar Energy Systems (ISE) fournissent des données précieuses sur les tendances du secteur.

Les risques identifiés par l’industrie photovoltaïque européenne

Les fabricants alertent sur plusieurs conséquences négatives de cette mesure :

  • Hausse des coûts pour les consommateurs : En limitant le choix à une technologie souvent premium, le dispositif réduit la concurrence et pourrait maintenir des prix artificiellement élevés pour les installations commerciales et industrielles.
  • Frein à l’innovation : En verrouillant le soutien public sur une technologie spécifique, la mesure décourage l’investissement dans la R&D pour d’autres voies technologiques pourtant prometteuses.
  • Ralentissement de la transition énergétique : En complexifiant et en renchérissant les projets, l’Italie risque de manquer ses objectifs ambitieux de déploiement du solaire, pourtant essentiels pour son indépendance énergétique et ses engagements climatiques.

Un appel à la révision pour une transition énergétique juste et efficace

Le collectif de fabricants lance un appel clair aux autorités italiennes : « Nous appelons à une correction réglementaire immédiate de ces dispositions. Il faut éviter une orientation excessive vers une technologie unique et garantir des conditions de concurrence équitables. »

Ils défendent une approche technologiquement neutre, où le soutien public récompenserait la performance (rendement, durabilité, bilan carbone) et la fabrication européenne, plutôt qu’un procédé de fabrication spécifique. Cette vision est partagée par de nombreuses associations du secteur à l’échelle européenne, qui plaident pour un soutien à une industrie solaire européenne résiliente et diversifiée.

L’enjeu dépasse la simple bataille commerciale. Il s’agit de définir comment les politiques publiques peuvent stimuler une industrie stratégique sans étouffer l’innovation et la concurrence, dans un secteur en évolution extrêmement rapide. La réponse du gouvernement italien sera donc scrutée par l’ensemble de la filière européenne.


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