La Tunisie, richement dotée en ensoleillement, fait face à un défi énergétique majeur. Pour réduire sa dépendance aux importations de combustibles fossiles et assurer sa sécurité énergétique, le pays mise résolument sur le développement des énergies renouvelables, en particulier le solaire. Cette transition, au-delà de son aspect écologique, est devenue un véritable moteur économique, attirant une diversité d’investisseurs et dessinant deux modèles de développement distincts.
Dans les régions arides du sud tunisien, comme aux alentours de Gabès, l’agriculture recule face à la sécheresse. Pour de nombreux propriétaires terriens, l’installation de centrales photovoltaïques de 1 à 2 MW apparaît comme une reconversion viable et lucrative. Ce mouvement est rendu possible par le régime de « l’autorisation », un cadre réglementaire simplifié mis en place par l’État.
Le modèle économique est clair : un projet de 1 MW coûte environ 800 000 euros. Les porteurs de projets, souvent regroupés, apportent 30% en fonds propres et obtiennent un prêt bancaire pour le solde. Ils signent ensuite un contrat d’achat d’électricité (CAE) avec la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG), garantissant un tarif d’achat fixé par le ministère (environ 217 millimes/kWh pour le dernier cycle). Ceci permet d’atteindre une rentabilité annuelle estimée entre 15% et 16% sur vingt ans, un rendement très attractif comparé aux produits financiers traditionnels.
Des entreprises tunisiennes comme NTC Power sont les fers de lance de cette dynamique. Elles développent, installent et exploitent ces centrales de taille moyenne, créant ainsi une chaîne de valeur et des emplois locaux. Pour ces acteurs, ce modèle décentralisé est stratégique : il ancre la transition énergétique dans les territoires et renforce l’indépendance énergétique nationale, contrairement aux grands projets souvent pilotés par des consortiums internationaux.
Parallèlement, la Tunisie lance des appels d’offres internationaux pour des méga-centrales solaires, souvent de plus de 50 MW. Ces projets, attribués à de grands groupes étrangers capables de proposer des prix très compétitifs, visent à augmenter rapidement la capacité de production à grande échelle.
Cette stratégie répond aussi à une ambition plus large : positionner la Tunisie comme un futur hub de production d’hydrogène vert pour l’exportation vers l’Europe. La production de cet hydrogène par électrolyse nécessite en effet d’énormes quantités d’électricité renouvelable et à bas coût. Comme l’explique Mohamed Chorfi, avocat spécialisé en énergies, Le pays dispose d’un fort potentiel pour produire un hydrogène renouvelable et compétitif.
Cette perspective explique en partie l’intérêt des autorités pour les très grandes centrales solaires.
Un troisième marché est en pleine croissance : l’autoconsommation photovoltaïque. Sur les toits de Tunis, Sfax ou Sousse, de plus en plus de villas, commerces et petites industries installent des panneaux solaires pour couvrir tout ou partie de leurs besoins en électricité.
Cette tendance est notamment tirée par les entreprises exportatrices tunisiennes. Pour continuer à vendre sur le marché européen et éviter la future taxe carbone aux frontières (CBAM), elles doivent réduire leur empreinte carbone. L’autoconsommation solaire devient ainsi un outil de compétitivité. Aujourd’hui, près de 300 MW de solaire sont raccordés en basse tension en Tunisie, principalement pour l’autoconsommation.
Malgré cet engouement, un obstacle persiste : l’accès au financement. Les banques tunisiennes, de taille modeste, pratiquent souvent des taux d’intérêt élevés. De nombreux porteurs de projets se tournent donc vers des bailleurs de fonds internationaux comme la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) ou l’Agence Française de Développement (AFD).
Pour réduire cette dépendance, des solutions locales émergent. Des sociétés de gestion de fonds tunisiennes, comme SAGES Capital, souhaitent désormais financer des projets photovoltaïques sous le régime de l’autorisation. Leur objectif est de soutenir des porteurs de projets qui n’ont pas accès au crédit bancaire classique, contribuant ainsi à démocratiser l’investissement dans le solaire et à renforcer la souveraineté financière de la transition.
La Tunisie est à la croisée des chemins énergétiques. Pour atteindre son objectif ambitieux de 5 GW de capacités renouvelables d’ici 2030, le pays devra probablement combiner intelligemment les trois modèles : les grandes centrales pour la production de masse et l’hydrogène vert, les petites centrales pour le développement local et l’autoconsommation pour l’efficacité industrielle et résidentielle. Dans tous les cas, le solaire s’est définitivement imposé comme un produit d’investissement d’avenir en Tunisie.

Engagée pour la transition énergétique, je me consacre à l’exploration des opportunités offertes par l’énergie solaire et à son évolution. J’accompagne les professionnels du secteur et favorise les collaborations pour accélérer l’adoption de solutions durables et innovantes.
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