Le décret n°2024-318 du 8 avril 2024 a été publié en application de l’article 54 de la loi APER afin de préciser le cadre juridique applicable au développement des projets agrivoltaïques et des installations photovoltaïques « non agrivoltaïques » sur terrains agricoles, naturels ou forestiers (« installations agri-compatibles »). Il s’agit d’une avancée significative pour le développement des secteurs de l’agriculture et de la production d’énergie solaire en France. Décryptage!
Mesures clés du décret
Le décret du 8 avril 2024 comprend plusieurs mesures clés pour faciliter la mise en œuvre des projets agrivoltaïques et agri-compatibles :
la définition de l’agrivoltaïsme prévu à l’article 54 de la loi APER a été précisée notamment s’agissant des services devant être apportés à la parcelle agricole par les installations agrivoltaïques tout comme les notions de production agricole significative et de revenu durable en étant issu.
afin de garantir que la production agricole demeure l’activité principale exercée sur la parcelle, les installations agrivoltaïques devront respecter les conditions suivantes :
la superficie qui n’est plus exploitable du fait de l’installation agrivoltaïque ne doit pas excéder 10 % de la superficie totale couverte par l’installation agrivoltaïque ;
la hauteur de l’installation agrivoltaïque ainsi que l’espacement inter-rangées doit permettre une exploitation normale et assurer notamment la circulation, la sécurité physique et l’abri des animaux ainsi que le passage des engins agricoles ;
le taux maximal de couverture de la parcelle agricole par les installations agrivoltaïques de plus de 10 MW ne pourra excéder 40 %. Ce taux pourra être différent pour des installations agrivoltaïques considérées comme des « technologies éprouvées ».
la durée pendant laquelle l’exploitation de l’installation agrivoltaïque peut rester sans exploitant agricole est fixée à 18 mois maximum.
les installations agri-compatibles pourront être implantées uniquement sur des terres incultes ou non exploitées depuis une durée de 10 ans, identifiées au sein d’un document-cadre. Un arrêté préfectoral établira, sur proposition de la chambre départementale d’agriculture, un document-cadre dans chaque département concerné.
les installations agrivoltaïques et agri-compatibles sont autorisées pour une durée maximale de 40 ans (avec une prorogation possible de 10 ans lorsque l’installation présente encore un rendement significatif).
la mise en place de dispositions transitoires pour son application : le décret s’appliquera aux installations agrivoltaïques dont les demandes de permis ou de déclarations préalables seront déposées à compter d’un mois suivant la publication de ce décret, ou à compter d’un mois après la publication du document-cadre départemental pour les installations agri-compatibles.
Un cadre juridique incomplet
Plusieurs textes sont encore attendus pour compléter le cadre juridique applicable à l’agrivoltaïsme :
Des dispositions législatives annoncées dans la notice du décret viendront préciser les modalités de contractualisation et de partage de la valeur générée par les projets agrivoltaïques, entre l’exploitant agricole, le producteur d’électricité et le propriétaire du terrain ;
Un arrêté relatif aux modalités de contrôles et de sanctions des installations ;
Un arrêté définissant la liste des technologies agrivoltaïques éprouvées en fonction du mode de culture ou d’élevage, du procédé technique photovoltaïque utilisé et de l’implantation géographique ;
Un arrêté précisant les conditions techniques de mise en œuvre des dispositions du décret sur l’activité agricole significative ;
Des arrêtés préfectoraux pour définir et publier les « documents-cadres » visés à l’article L.111-29 du code de l’urbanisme.
Il est donc nécessaire que l’ensemble de ces textes soient publiés afin d’offrir un cadre stable et sécurisant, indispensable pour assurer le développement et le financement de ces projets.
Enjeux juridiques et pratiques
Plusieurs questions devraient rapidement se poser sur la mise en œuvre des projets agrivoltaïques, notamment sur le financement de ces projets compte tenu de leur caractère novateur et sur le partage des revenus générés par ces installations entre l’exploitant agricole, le producteur d’électricité et le propriétaire du terrain.
Par ailleurs, le développement de ces projets doit s’accompagner de montages contractuels adaptés. A cet égard, la création d’un modèle de bail rural à « clauses agrivoltaïques » devrait permettre de mettre en place un cadre juridique sécurisant pour l’exploitant agricole ainsi que pour les développeurs. Toutefois, dans l’attente des dispositions législatives sur ce point, il conviendra d’adapter les modèles de contrats préexistants pour encadrer les droits et obligations des différents acteurs amenés à cohabiter afin d’offrir un cadre stable et sécurisant, indispensable pour assurer la bancabilité de ces projets.
En outre, des questions pourraient également se poser dans le cadre de l’instruction des autorisations d’urbanisme notamment en cas d’avis défavorable de la CDPENAF qui serait insuffisamment motivé ou dans le cas où les autorités locales interdiraient la pose de panneaux solaires au sol sur terrains agricoles dans leurs documents d’urbanisme. A cet égard, dans la mesure où le nouvel article L. 111-27 du Code de l’urbanisme prévoit que les installations agrivoltaïques sont considérées comme nécessaires à l’exploitation agricole, il pourrait être opportun que les élus locaux adaptent les documents d’urbanisme pour permettre le développement de ces projets.
En conclusion, le décret du 8 avril 2024 représente une avancée significative pour le développement de l’agrivoltaïsme en France. Il n’est toutefois pas suffisant pour répondre à toutes les questions qui ne manqueront pas de se poser en pratique et qui nécessiteront un accompagnement juridique adapté afin de sécuriser le développement de ce type de projets.
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