Photovoltaïque en Tunisie : Stratégie, Défis et Perspectives d’ici 2035

Porté par un ensoleillement exceptionnel et des objectifs nationaux ambitieux, le secteur photovoltaïque tunisien est en pleine transformation. Sous l’impulsion de programmes gouvernementaux et d’investissements structurants, le pays cherche à remodeler son mix énergétique. Ali Kanzari, président de la Chambre syndicale du photovoltaïque (CSPV), détaille les avancées, les obstacles liés au réseau et au stockage, et les projets d’interconnexion qui dessinent l’avenir électrique de la Tunisie.

Une croissance portée par des objectifs nationaux ambitieux

La Chambre syndicale du photovoltaïque (CSPV), créée en 2011, représente aujourd’hui près de 700 entreprises, contre une centaine en 2014. Cette croissance exponentielle reflète la dynamique du secteur, qui couvre toute la chaîne de valeur : développement, installation, études et maintenance.

Cette expansion est directement liée à la Stratégie Énergétique Nationale. L’objectif est d’atteindre 35% d’énergies renouvelables dans le mix électrique d’ici 2030, contre environ 5-6% actuellement. Cela nécessite l’ajout de 5 GW de capacités, dont près de 75% proviendront du solaire photovoltaïque, tirant parti d’un taux d’ensoleillement pouvant atteindre 3 000 heures par an. La feuille de route vise 50% de renouvelables d’ici 2035, soit environ 8,5 GW installés, dont 5 à 6 GW en photovoltaïque.

Les défis du réseau électrique et les projets de renforcement

L’intégration massive des énergies renouvelables intermittentes pose la question cruciale de la capacité du réseau géré par la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG). Pour éviter la saturation, la STEG mène d’importants travaux :

  • Renforcement de la dorsale 400 kV entre Mornaguia et Tunis.
  • Amélioration des lignes dans la région de Sfax vers Gabès.
  • Création d’un nouvel axe est-ouest pour une meilleure répartition des flux.

L’interconnexion ELMED, un projet structurant pour la stabilité régionale

La Tunisie mise également sur les interconnexions. Outre le lien existant avec l’Algérie (800 MW), le projet ELMED, une interconnexion sous-marine de 600 MW avec l’Italie prévue pour 2027, est capital. Financé en partie par une subvention de 12 millions d’euros de l’UE et de la Banque européenne d’investissement (BEI), il permettra de stabiliser le réseau, gérer les pics de consommation estivale et exporter l’excédent solaire en hiver, tout en préparant l’intégration au marché euro-africain de l’électricité.

Le stockage, pilier de la transition énergétique tunisienne

Pour équilibrer production et consommation, la Tunisie développe des solutions de stockage.

  • Stockage de longue durée : Un projet de Station de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) d’environ 600 MW est en cours, avec une mise en service prévue entre 2028 et 2029.
  • Stockage de courte durée : La STEG a intégré les batteries dans sa stratégie. Un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) sera lancé pour déployer des systèmes de stockage par batteries (BESS) multisites d’une capacité de 300 MW / 600 MWh. Ces systèmes visent notamment à couvrir le pic de consommation du soir (19h-23h).

Adoption du photovoltaïque par les ménages et justice sociale

Avec un taux d’électrification de plus de 99%, l’enjeu n’est pas l’accès mais l’équité et la résilience. Près d’un million de personnes bénéficient d’un tarif subventionné à 0,1 dinar/kWh, bien en deçà du coût réel de production, ce qui pèse sur les finances de la STEG.

La CSPV propose une solution innovante : distribuer gratuitement des kits photovoltaïques simples (panneau + micro-onduleur) à ces foyers vulnérables. Leurs besoins étant modestes (environ 1 000 kWh/an), cela réduirait la facture de l’État et améliorerait leur autonomie.

Parallèlement, l’adoption du solaire progresse dans les classes moyenne et aisée. Pour gérer cette production décentralisée, la Tunisie déploie un programme de « smart grid » (réseau intelligent), incluant l’installation de compteurs communicants – similaires au Linky français – pour optimiser l’équilibre du réseau. Environ 34 000 compteurs intelligents ont déjà été installés.

Conclusion : Un avenir solaire prometteur malgré les défis

La Tunisie s’est engagée dans une transition énergétique solide, avec le photovoltaïque comme colonne vertébrale. La synergie entre les objectifs politiques, les investissements dans le réseau et le stockage, et les projets d’interconnexion comme ELMED, crée un cadre favorable. Le défi consistera à maintenir cette dynamique tout en assurant une transition juste et socialement inclusive, pour un système électrique tunisien plus durable et résilient.

Abonnez-vous maintenant à la Newsletter.
Inscription gratuite !

Commentaires

  • Il n'y a pas encore de commentaires.
Ajouter un commentaire