Patrick Pouyanné le PDG de TotalEnergies était ces derniers jours au micro de Christophe Jakubyszyn, sur BFM Business depuis Davos…
Christophe Jakubyszyn : Merci d’être sur BFM Business. Evidemment on a toujours besoin de vos éclaircissements sur le pétrole, le gaz, la transition énergétique. On va commencer sur l’image un peu globale de la consommation de pétrole dans le monde. Ça continue d’augmenter, les prévisions font état d’un million de barils jour supplémentaire pour 2024. Pourquoi on n’arrive pas à baisser la consommation globale de pétrole ?
Patrick Pouyanné : Et bien pour une raison toute simple, c’est que la population de la planète augmente. En fait quand on regarde sur 2000-2023 que s’est-il passé ? On a réussi à décorréler la croissance de la demande de pétrole de la croissance mondiale, de 1,2% par an, mais par contre ça suit la croissance de la population. En fait aujourd’hui vous avez une population qui croît, qui a besoin d’énergie notamment dans les pays émergents, il y a beaucoup de « business model » pauvre en l’énergie, mais pour croître il faut de l’énergie. Le pétrole et l’énergie la plus facile à utiliser et donc c’est ça qui tire l’affaire et le vrai sujet pour la transition énergétique, c’est comment on inverse cette tendance…
Christophe Jakubyszyn : Est-ce qu’on ne peut pas répondre à cette nouvelle demande par des énergies renouvelables ?
Patrick Pouyanné : Et bien on peut, mais aujourd’hui on ne le fait que partiellement et c’est là que la COP 28 a lancé un bel appel qui est de multiplier par 3 les énergies renouvelables C’est quoi « multiplier par 3 » les énergies renouvelables, c’est faire en sorte que la croissance annuelle de la demande en énergie arrête d’être couverte par le fossile, mais soit couverte par des énergies nouvelles. C’est là le grand défi. Oui il faut « multiplier par 3 » l’appel est fondamental c’est ce qu’on veut faire chez TotalEnergies, sinon qu’est-ce qui se passe ?
On investit dans les énergies renouvelables, et comme l’a dit l’AIE encore, on a crû beaucoup en 2023 par rapport à 2022, mais la croissance en demande d’énergie fait est plus forte, donc elle absorbe ces énergies décarbonées et le complément ce sont les énergies fossiles. Cela fait qu’en 2000 les énergies fossiles faisaient 82 % du mix mondial, elles font 80 % cette année. On a l’impression qu’on n’a pas progressé alors qu’on a beaucoup progressé.
Il faut garder en tête que dans la transition, il y a deux points majeurs. Le premier c’est la croissance de la population et des pays émergents qui ont besoin de plus d’énergie, l’autre point c’est que même dans les pays développés on veut que cette transition se passe sans hausse de prix. Donc il a un côté caractère abordable du prix de l’énergie.
Christophe Jakubyszyn : Mais alors du coup si on continue de consommer de plus en plus de pétrole, jusqu’à quand c’est quoi 2030, 2035 ?
Patrick Pouyanné : attendez tout le monde se dit il faudrait qu’on arrive à faire… c’est compliqué à faire. Je pense qu’on ne peut y arriver que si on change en fait la demande et c’est là qu’il faut agir. On veut peut-être arrêter de produire, mais non la demande est là. Il faut qu’on change la façon de consommer l’énergie et l’un des sujets ce sont les véhicules électriques. Ils vont introduire une rupture parce qu’aujourd’hui une partie de la consommation c’est la route, on consomme 20 millions de barils par jour. 20 % c’est pour transporter dans les véhicules léger indépendamment des camions et bien là vous avez une rupture technologique qui fait qu’on va on ne va plus consommer de pétrole. Donc s’il n’y a pas de rupture technologique d’évolution de la demande, l’autre façon d’avancer c’est l’autre appel de la COP 28 qui était de multiplier par 3 les renouvelables et par 2 l’efficacité énergétique. Il faut qu’on consomme moins d’énergie et ça c’est vrai dans nos pays développés, c’est beaucoup plus compliqué dans des pays émergents parce qu’eux, ils en ont besoin, la population croît et ils ont besoin de ça pour faire de la croissance économique et le bien-être des gens. Ils veulent sortir les gens de la pauvreté.
Christophe Jakubyszyn : Vous votre prévision d’inflexion de la demande de pétrole…
Patrick Pouyanné : …c’est autour des années 2030, c’est compliqué. Et nous notre stratégie TotalEnergies, pourquoi on s’est engagé des stratégies de transition ? Bien sûr que je pourrais continuer, je produis du pétrole dont j’ai besoin et la demande là. Nous avons rempli nos missions. Mais parce que profondément, on pense en fait notre analyse.
C’est que les énergies fossiles à un moment vont se mettre à décliner parce qu’il faut y arriver, parce que des innovations technologiques vont s’imposer et donc on ne va pas lutter contre ça l’innovation. C’est bien la demande qui va bouger et donc on a décidé de rentrer dans le marché de l’électricité parce que lui il croît au 21ème siècle pour décarboner, il faut plus d’électricité.
Christophe Jakubyszyn : Est-ce que vous y croyez vraiment, vous groupe pétrolier, au fait qu’à un moment donné ça va décroître. Parce qu’on voit les investissements, tous les groupes pétroliers annoncent des investissements dans le schiste pour les Américains, chez vous il y a le Nigéria, il y a l’Ouganda etc… Est-ce que c’est de l’investissement de renouvellement pour maintenir la production ou est-ce que c’est de l’investissements d’augmentation de capacité ?
Patrick Pouyanné : Non c’est à peine le renouvellement, parce que pourquoi le prix monte ? Parce qu’en fait il y a quelque chose dans cette économie pétrolière que les gens ne connaissent pas c’est que chaque année nous perdons 3 à 4 % de de capacité mondiale. On perd chaque trimestre un « TotalEnergies » en pétrole et donc on est en train de se battre comme les Shadocks dans cette industrie pour juste arriver… et pourquoi le prix monte, parce que comme justement des entreprises comme les nôtres on investit moins dans le pétrole et dans le gaz, même si on continue à investir, mais en gros en 2015 TotalEnergies investissait 25 milliards dans le pétrole, cette année c’est 12 à 13 milliards, deux fois moins !
On contrebat le déclin naturel et on a du mal à suivre, à gérer la croissance qui malgré tout est là. C’est ça la transition de la difficulté, c’est à quel rythme devons-nous aller ? L’autre réponse que je vais vous faire, c’est que quand on investit dans le pétrole, comme on voit bien qu’il peut y avoir une baisse de la demande je n’investis plus dans du pétrole cher.
Par exemple je viens de vendre en 2023 le Canada, donc on se protège et on va investir dans des projets qui coûtent moins de 20 dollars du baril. Ceux-là, même si la demande se met à baisser ils seront protégés. Voilà pourquoi on est obligé de faire du en même temps, si je peux me permettre, il faut qu’on continue à entretenir l’énergie qui nous fait vivre aujourd’hui et en même temps nous on a décidé d’investir lourdement puisqu’en 2023 on aura mis 5 milliards de dollars dans les électricités et les renouvelables. Ce n’est pas une petite diversification, 1/3 de nos investissements va vers la transition cette année.
Engagée pour la transition énergétique, je me consacre à l’exploration des opportunités offertes par l’énergie solaire et à son évolution. J’accompagne les professionnels du secteur et favorise les collaborations pour accélérer l’adoption de solutions durables et innovantes.
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