Le secteur de l’énergie solaire photovoltaïque connaît une transformation sans précédent à l’échelle mondiale. Selon Daniel Suchet, physicien et professeur à l’École polytechnique, également chercheur à l’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF), cette technologie a atteint un tournant décisif qui nécessite une adaptation complète de nos systèmes énergétiques.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : fin 2022, le monde comptait environ 1 térawatt (TW) de capacité photovoltaïque installée. Seulement deux ans plus tard, fin 2024, cette capacité a plus que doublé pour atteindre 2,2 TW. « En deux ans, on a ajouté plus que tout ce qui avait été posé avant 2022 », souligne Daniel Suchet dans son intervention au Greenletter Club.
Cette expansion spectaculaire s’explique en grande partie par le rôle décisif de la Chine, qui a développé sa propre filière silicium et fait chuter les coûts de production. Aujourd’hui, le solaire fournit environ 5 % de l’électricité mondiale, une part encore modeste mais sur une « trajectoire exponentielle » selon le chercheur.
La compétitivité économique du photovoltaïque n’est plus à démontrer. « Le coût actualisé de l’énergie photovoltaïque est désormais très bas, surtout au sol », affirme Daniel Suchet. Le véritable enjeu réside désormais dans l’intégration de volumes croissants sur des réseaux électriques conçus pour des centrales pilotables.
Pour gérer l’intermittence propre à cette technologie, le physicien propose une approche temporelle différenciée :
L’intermittence à l’échelle de quelques heures se gère par flexibilité, batteries de courte durée et électronique de puissance permettant une inertie synthétique.
La production éolienne, plus importante en hiver, complète naturellement la production solaire, plus forte en été, lissant ainsi le profil annuel de production.
Daniel Suchet met en garde : « Les effets système deviennent sensibles autour de 50 GW cumulés éolien+solaire : nous y sommes. » En France, RTE projette un quadruplement à un facteur 20 de la capacité solaire d’ici 2050 selon les scénarios.
L’énergie solaire bénéficie d’un potentiel théorique « colossal », mais sa nature diffuse nécessite d’importantes surfaces. Des repères utiles permettent de se faire une idée : 1 hectare correspond approximativement à 1 MWc de puissance installée, produisant environ 1 GWh par an, pour un investissement d’environ 1 million d’euros pour une centrale au sol bien exposée.
Face à cette contrainte, la priorité va aux surfaces déjà artificialisées : toitures industrielles, ombrières de parking, friches. L’agrivoltaïsme représente également une piste prometteuse, à condition d’assurer « un bénéfice agronomique réel » et d’éviter la simple rente foncière.
Les panneaux photovoltaïques commerciaux atteignent aujourd’hui des rendements de 20 à 22 %, contre une limite pratique d’environ 29 % pour le silicium cristallin standard. Les cellules « tandem », qui superposent différents matériaux semi-conducteurs, ouvrent des perspectives de gains supplémentaires, avec « des parts de marché significatives attendues à l’horizon 2035 ».
L’amélioration du rendement présente un intérêt économique majeur : « Un meilleur rendement réduit la matière, les surfaces et les BOS (balance-of-system) », explique Daniel Suchet. Alors que le coût des modules a chuté d’un facteur mille en quarante ans, ce sont désormais l’installation, le raccordement et le capital qui pèsent le plus dans le coût final.
La domination chinoise sur la production de cellules photovoltaïques pose la question de la souveraineté industrielle européenne. « Aujourd’hui, le photovoltaïque, c’est du silicium… et c’est chinois », constate le chercheur.
Pour relocaliser une partie de la production en Europe, il faudra « accepter un surcoût au nom de la souveraineté », en gardant à l’esprit que la cellule ne représente qu’une fraction du coût total et que « l’installation et l’exploitation créent de la valeur localement ».
À court terme, aucun « drapeau rouge » géologique ne menace l’approvisionnement en matériaux pour le photovoltaïque. L’enjeu est avant tout industriel : capacité à produire verre, aluminium, silicium, et à recycler les panneaux en fin de vie.
Si le démontage des cadres et du verre est déjà maîtrisé, « le vrai défi est de remonter la chaîne jusqu’aux cellules pour récupérer l’argent et revaloriser le silicium à l’échelle industrielle », précise Daniel Suchet.
L’électrification accélérée des usages (mobilité, chauffage) représente un levier essentiel pour maximiser l’utilisation de l’énergie solaire. Daniel Suchet suggère de s’inspirer de l’exemple historique des chauffe-eau nocturnes pour développer « une flexibilité vers le milieu de journée quand le PV produit ».
La climatisation, particulièrement consommatrice d’électricité, pourrait être mieux synchronisée avec l’ensoleillement, « à condition d’avoir des bâtiments conçus pour le confort d’été ».
Le chercheur conclut sur une vision plus large du photovoltaïque : « Ce n’est pas seulement des kWh bon marché ; c’est une acculturation, une technologie modulaire qui met la société au contact de sa production d’énergie. » Reste désormais à aligner réseau, industrie et usages avec ce changement d’échelle historique.
Engagée pour la transition énergétique, je me consacre à l’exploration des opportunités offertes par l’énergie solaire et à son évolution. J’accompagne les professionnels du secteur et favorise les collaborations pour accélérer l’adoption de solutions durables et innovantes.
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