La Chine représente aujourd’hui l’un des paradoxes énergétiques les plus marquants de notre époque. D’un côté, le pays s’est imposé comme le leader mondial incontesté des énergies renouvelables, déployant des capacités solaires et éoliennes à un rythme sans précédent. De l’autre, il continue de développer massivement de nouvelles centrales à charbon, maintenant sa position de premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. Cette dualité énergétique place la Chine au cœur des enjeux climatiques globaux, où ses décisions influenceront directement la capacité de la planète à limiter le réchauffement climatique.
Les progrès chinois dans le domaine des énergies propres sont impressionnants. En 2023, le pays a ajouté à lui seul plus de capacités renouvelables que l’ensemble des États-Unis, avec plus de 300 gigawatts d’énergies solaire et éolienne installées selon l’Agence Internationale de l’Énergie. La Chine abrite désormais certains des plus grands parcs solaires et éoliens du monde, couvrant des territoires immenses de panneaux photovoltaïques et d’éoliennes. L’engagement politique au plus haut niveau s’est concrétisé par des annonces ambitieuses, dont l’objectif d’atteindre au moins 3 600 gigawatts de capacité éolienne et solaire d’ici 2035.
Malgré ces avancées remarquables, le charbon reste profondément ancré dans la stratégie énergétique chinoise. Selon le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA), la Chine a représenté 93% des nouvelles constructions de centrales à charbon dans le monde en 2024. Au premier semestre 2025, le pays a continué d’augmenter ses capacités charbonnières, maintenant ainsi sa dépendance à ce combustible fossile qui représente encore près de 60% de son mix énergétique.
Cette approche apparemment contradictoire s’explique par la stratégie chinoise du « construire avant de démanteler », comme l’explique Muyi Yang, analyste chez Ember. Cette méthode consiste à maintenir et même développer le système énergétique existant tant que les énergies renouvelables ne sont pas pleinement opérationnelles et fiables. « C’est comme un enfant qui apprend à marcher », métaphorise Myllyvirta. « Il y aura des chutes, comme des coupures d’électricité et des hausses de prix. Et si vous n’y prenez pas garde, vous risquez de perdre l’adhésion de la population. »
Plusieurs éléments structurels et conjoncturels expliquent la difficulté chinoise à se détacher du charbon.
Les autorités chinoises restent marquées par les pénuries d’électricité de 2021 et 2022, liées à la fois à la volatilité des prix, à la demande croissante et aux phénomènes météorologiques extrêmes. Ces épisodes ont renforcé la priorité accordée à la sécurité énergétique, conduisant à une approche prudente qui privilégie la sureté d’approvisionnement. « C’est le réflexe bureaucratique de base, s’assurer qu’on ne vous reproche rien », affirme Lauri Myllyvirta, cofondateur du CREA.
Les grandes installations d’énergies renouvelables sont généralement situées dans des régions peu peuplées du nord et de l’ouest du pays, loin des grands centres de consommation situés sur la côte est. Acheminer cette énergie sur des milliers de kilomètres accroît considérablement les coûts et les pertes en ligne. « La Chine travaille à améliorer ses infrastructures physiques et commerciales pour faciliter les échanges d’électricité sur de longues distances, mais est encore loin du compte », explique David Fishman, analyste du cabinet Lantau Group.
La demande d’électricité en Chine croît généralement plus vite que le rythme – pourtant rapide – d’installation des renouvelables. Même si au premier semestre 2025, les capacités supplémentaires dans les renouvelables ont correspondu à la totalité de la hausse de la demande, cette situation s’expliquait aussi par une demande plus faible que prévu. Dans un contexte de croissance économique soutenue, beaucoup d’entreprises estiment encore rentable de miser sur le charbon pour répondre aux besoins énergétiques.
La transition énergétique chinoise fait face à plusieurs incertitudes majeures qui compliquent le désengagement du charbon.
La fin progressive des tarifs d’achat garantis, qui assuraient une rémunération minimale pour l’électricité générée par les renouvelables, représente un défi important. Ces énergies seront désormais soumises aux lois du marché, mais « la demande d’électricité verte est insuffisante pour assurer un rythme élevé d’expansion des capacités », note David Fishman.
L’ajout de nouvelles centrales au charbon ne signifie pas nécessairement davantage d’émissions. Le parc chinois de centrales au charbon ne fonctionne actuellement qu’à environ 50% de sa capacité, ce qui laisse une marge importante pour absorber les pics de demande sans construire de nouvelles installations. Cette sous-utilisation pose cependant la question de la rentabilité des investissements dans de nouvelles capacités charbonnières.
Malgré les défis, le secteur des énergies propres (solaire, éolien, nucléaire, hydroélectricité, voitures électriques) constitue désormais un moteur économique majeur pour la Chine. Selon le CREA, il a contribué à 10% du PIB chinois en 2024, un record historique. Cette importance économique croissante pourrait accélérer la transition énergétique.
« Ce secteur est devenu totalement indispensable pour atteindre les objectifs économiques », souligne Lauri Myllyvirta. « C’est la principale raison pour laquelle, malgré ces défis, je reste prudemment optimiste quant à la capacité de la Chine à accélérer sa transition énergétique dans les années à venir. »
La Chine se trouve ainsi à la croisée des chemins, devant concilier sécurité énergétique, impératifs économiques et responsabilités environnementales. Sa capacité à résoudre ce paradoxe énergétique déterminera non seulement son avenir économique, mais aussi celui de la lutte mondiale contre le changement climatique.

Engagée pour la transition énergétique, je me consacre à l’exploration des opportunités offertes par l’énergie solaire et à son évolution. J’accompagne les professionnels du secteur et favorise les collaborations pour accélérer l’adoption de solutions durables et innovantes.
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