Energies: des promesses RN, au risque de pénurie de courant - PV Solaire Énergie

Energies: des promesses RN, au risque de pénurie de courant

Patrice Geoffron Paris-Dauphine

Rétablir « un prix français de l’électricité », démonter les éoliennes, démarrer dès demain de nouveaux réacteurs nucléaires: les promesses du Rassemblement national dans l’énergie ne seront pas tenables, sauf à manquer d’électricité et réchauffer un peu plus la planète, soulignent des experts.

Baisse de facture limitée, retour des fossiles

Jordan Bardella a indiqué mardi dans Le Parisien vouloir engager « immédiatement » des négociations avec Bruxelles pour déroger aux règles européennes de tarification de l’électricité, ce qui ferait selon lui « baisser de 30% les factures ».

L’idée du RN est de rétablir « un prix français de l’électricité » qui dépende moins des règles du marché européen de l’électricité. Or « la facture d’électricité des ménages étant composée pour un tiers de taxes, un tiers de coûts de réseau et un tiers d’électricité, en réalité, les deux tiers de la facture ne dépendent pas du marché », souligne le think tank Terra Nova, de tendance social-démocrate, dans une note consacrée au programme du RN aux Européennes.

Le parti compte aussi réduire à 5,5% la TVA sur les énergies (gaz, électricité, carburants, fioul). Il en coûterait 16,8 milliards d’euros aux finances publiques, selon le ministère de l’Economie. Il en coûterait aussi au climat, en encourageant « les ménages à consommer davantage de carburants, ou à moins se soucier des alternatives à la mobilité thermique », note Terra Nova, qui met aussi en garde contre un effet rebond des prix si la consommation devait augmenter.

Marine Le Pen a d’ailleurs plaidé le 5 juin sur BFMTV pour « rétablir la liberté des Français de continuer d’acheter des voitures thermiques », à rebours du choix européen de passer à l’électrique dès 2035 pour dépolluer le transport routier (toujours premier émetteur de polluants et de gaz à effet de serre).

Mme Le Pen n’a cependant pas donné de précisions sur la dépendance à l’égard d’Etats pétro-gaziers qu’impliqueraient ces modes de transport.

Pas d’éoliennes, manque d’électricité

« Je veux arrêter les énergies renouvelables parce que ce n’est pas propre, et en plus c’est alternatif », a dit le 5 juin Mme Le Pen. Qui compte toujours démonter les éoliennes: « il y en a un certain nombre qu’il faudra démonter, celles qui abîment le plus les paysages ».

Cette promesse cependant se heurte à tous les scénarios de transition énergétique: relance du nucléaire ou pas, il faudra un essor massif des renouvelables pour répondre aux besoins à venir et rester dans les clous de l’accord de Paris sur le climat.

« Un moratoire sur les énergies renouvelables rend impossible la réindustrialisation et le respect des trajectoires climatiques à compter de la décennie 2030 », souligne le gestionnaire du réseau électrique RTE dans un épais rapport prospectif.

Dans ses six scénarios, la France, pour assurer sa sécurité électrique et la neutralité carbone, ne peut se passer d’éolien, et en 2050 les renouvelables dominent. Même en poussant le nucléaire à fond, l’éolien terrestre doit voir sa capacité multipliée par 2,5. Dans le scénario le plus « nucléarisé », l’éolien en mer devra atteindre au moins 22 gigawatts (GW, 30 parcs).

Avec un moratoire, la France devra importer plus d’électricité européenne, issue surtout de centrales thermiques fossiles, note RTE. Son parc nucléaire vieillissant, elle viendrait ensuite à manquer d’électricité bas carbone, faisant peser une menace sur ses objectifs climatiques.

« Le programme du RN est totalement insensé, il conduira à retarder évidemment le rythme de la décarbonation », affirme Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, pour qui « ce sont des pénuries d’électricité qui s’annoncent ».

L’impossible promesse nucléaire

Evitant le sujet de la sobriété, pourtant pilier de tous les scénarios pour la sécurité énergétique de la France, le RN compte avant tout sur la relance du nucléaire pour la production d’électricité: dix nouveaux réacteurs dès 2031 et dix autres à partir de 2036, selon son programme baptisé « plan Marie Curie ».

Mais ces objectifs dépassent largement ce que l’industrie s’estime capable de faire. « Le programme de six réacteurs EPR + huit autres plus tard est le scénario maximal donné par EDF », rappelle Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.

L’EPR de Flamanville est entré en service en mai avec 12 ans de retard, et la France est loin d’avoir retrouvé son rythme de réalisation des années 1980.

Un rapport d’audit réalisé pour l’Etat parle d’un premier EPR2 « à l’horizon 2037 », et RTE retient comme hypothèse haute la construction de 14 EPR d’ici 2050.

cho-nal/uh/eb

www.afp.com

    

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