Alors que la transition énergétique française est souvent résumée à un débat sur l’électricité, un levier essentiel reste dans l’ombre : la chaleur renouvelable. Représentant près de la moitié de la consommation finale d’énergie du pays, la production de chaleur est encore largement dépendante des énergies fossiles. Dans ce contexte, la chaleur solaire, portée par des technologies comme le solaire thermique et les capteurs hybrides, cherche à prendre sa place. Retour sur les enjeux, les freins et les perspectives de cette filière stratégique avec Richard Loyen, délégué général du syndicat des professionnels de l’énergie solaire Enerplan.
La France consomme énormément d’énergie pour produire de la chaleur, principalement pour le chauffage des bâtiments et les procédés industriels. Près de 80% du gaz importé est utilisé à cette fin, exposant le pays à la volatilité des prix et aux tensions géopolitiques. Pourtant, les solutions pour décarboner cette chaleur, comme le solaire thermique, la géothermie ou la biomasse, peinent à se déployer à grande échelle.
Richard Loyen pointe un premier frein culturel et médiatique : « Le tropisme électrique des débats sur la transition, qui oppose trop souvent nucléaire et renouvelables, laisse croire que l’électrification est le seul sujet. Ceci invisibilise les solutions de chaleur renouvelable ». Cette focalisation occulte un fait majeur : décarboner l’électricité ne suffit pas si la chaleur reste fossile.
Malgré ses excellents rendements et sa maturité technologique, le solaire thermique n’a pas connu l’essor fulgurant du photovoltaïque. Plusieurs raisons expliquent ce retard :
La compétitivité de la chaleur solaire est évaluée face au prix du gaz, qui reste historiquement bas et volatile. « On peine toujours à donner un véritable signal prix sur le carbone, avec une trajectoire claire », déplore Richard Loyen. Contrairement aux filières électriques renouvelables, la chaleur verte manque d’un cadre de soutien pluriannuel robuste et prévisible, essentiel pour attirer les investissements.
La filière doit se réinventer. « Nous devons passer de la vente d’équipements à la vente de chaleur solaire », explique le délégué général. Ce modèle, similaire à un Contrat d’Achat d’Énergie (CAE) pour l’électricité, existe déjà pour l’industrie et les réseaux de chaleur. Il garantit un prix stable et décarboné sur le long terme, un argument fort pour les collectivités et les industriels. La proposition de loi TRACE, visant à ne plus considérer les centrales solaires thermiques au sol comme artificialisantes, serait un levier crucial pour libérer du foncier.
Malgré les difficultés, la filière se structure et innove. Des solutions hybrides (solaire + bois, solaire + pompe à chaleur) et les capteurs PV-T (hybrides photovoltaïques/thermiques) élargissent le champ d’application. Pour franchir un cap, plusieurs actions sont prioritaires.
Le Fonds Chaleur de l’ADEME est un outil indispensable mais jugé insuffisamment doté au regard des objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE). Richard Loyen plaide pour « une dotation suffisante » et pour la possibilité de cumuler son aide avec les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE). Pour les très grands projets, un mécanisme de type Contract for Difference (CfD), indexé sur le prix du gaz et du CO2, pourrait assurer une rémunération stable sur 15 à 20 ans.
Le développement du stockage de chaleur à long terme est un « game changer » pour la filière. Cette technologie, déjà éprouvée en Allemagne ou au Danemark, permet de stocker l’excédent de chaleur solaire produit en été pour le restituer en hiver. « Il y a des synergies importantes avec la géothermie qui peuvent se créer », souligne Richard Loyen. Ce couplage optimise l’usage des infrastructures et garantit une fourniture de chaleur renouvelable tout au long de l’année.
L’avenir de la chaleur solaire passe par une intégration dans la planification énergétique locale. L’obligation pour les collectivités de planifier l’approvisionnement en chaleur et en froid de leur territoire d’ici 2026 est une opportunité. Il s’agit d’identifier les gisements de chaleur fatale, les ressources renouvelables locales et les besoins, pour développer des boucles énergétiques territoriales efficaces où le solaire aura toute sa place, aux côtés de la géothermie, de la biomasse et de la récupération de chaleur.
La filière, désormais structurée et crédible, attend avec impatience la concrétisation du plan d’action pour atteindre les objectifs de la PPE 2030. La décarbonation de l’économie française ne pourra faire l’impasse sur la chaleur, et le solaire est prêt à jouer son rôle.

Engagée pour la transition énergétique, je me consacre à l’exploration des opportunités offertes par l’énergie solaire et à son évolution. J’accompagne les professionnels du secteur et favorise les collaborations pour accélérer l’adoption de solutions durables et innovantes.
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