Audit sur le coût des énergies renouvelables : mission confiée à Jean-Bernard Lévy

Le Premier ministre a annoncé, ce mercredi, le lancement d’une mission d’audit visant à évaluer et optimiser le coût des énergies renouvelables pour les finances publiques. Cette annonce intervient dans un contexte de débat intense sur la stratégie énergétique française et la soutenabilité budgétaire des soutiens publics. La mission a été confiée à deux personnalités d’expérience : Jean-Bernard Lévy, ancien PDG d’EDF, et Thierry Tuot, conseiller d’État et ancien directeur général de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Leurs conclusions sont attendues dans un délai de trois mois.

Les objectifs de la mission d’audit gouvernementale

Selon le communiqué de Matignon, la mission est officiellement consacrée à « l’optimisation des soutiens publics aux énergies renouvelables électriques et au stockage d’électricité ». Son objectif principal est de proposer un nouveau modèle de soutien, décrit comme « plus efficace, plus soutenable et mieux partagé entre acteurs publics et privés ». Cette initiative fait suite aux déclarations du ministre de la Transition énergétique, Sébastien Lecornu, qui avait annoncé en octobre vouloir réexaminer « la manière dont l’argent public est employé » pour financer le développement des renouvelables.

Le gouvernement justifie cette démarche par un contexte budgétaire « exigeant » et la « maturité croissante des filières » solaire et éolienne. Les mécanismes de soutien, principalement des contrats garantissant un prix fixe aux producteurs, représentent aujourd’hui un engagement financier majeur, estimé à 8,2 milliards d’euros dans le projet de budget 2026.

Un contexte politique et économique tendu

Le sujet du coût des énergies renouvelables est hautement sensible sur la scène politique française. Il cristallise les tensions entre parlementaires favorables à un développement accéléré des renouvelables et ceux privilégiant le nucléaire comme pilier de la souveraineté énergétique. Ces derniers mois, un moratoire sur l’installation de nouvelles capacités éoliennes et solaires avait même été voté à l’Assemblée nationale, avant d’être écarté.

Sur le plan économique, le système de soutien actuel est questionné. En période de faible demande, la production excédentaire d’électricité renouvelable peut entraîner des épisodes de prix négatifs sur le marché. Dans ces cas, l’État doit compenser la différence entre le prix de marché et le prix garanti au producteur, ce qui pèse sur les finances publiques.

Les défis techniques : intermittence et stockage

Un des mandats clés de la mission Lévy-Tuot est de proposer des pistes pour améliorer l’intégration des énergies renouvelables au réseau électrique. L’intermittence de la production solaire et éolienne nécessite en effet le développement de solutions de flexibilité et de stockage, par batteries par exemple, pour garantir la stabilité du réseau. La mission devra donc évaluer comment optimiser les investissements publics dans ces technologies complémentaires.

Des réactions contrastées du secteur de l’énergie

Les syndicats professionnels des énergies renouvelables ont accueilli l’annonce avec un mélange d’ouverture et de scepticisme. D’un côté, ils reconnaissent la nécessité de corriger certaines situations de « rentes » et d’optimiser le système. De l’autre, l’absence du nucléaire dans le périmètre de l’audit est vivement critiquée.

Daniel Bour, d’Enerplan (syndicat de l’énergie solaire), a ainsi souligné que le coût du nucléaire « est celui qui par définition est le plus important ». Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), a parlé de « provocation », faisant référence aux dépassements de coûts de l’EPR de Flamanville, projet mené en partie sous la direction de Jean-Bernard Lévy à EDF.

À l’inverse, des associations environnementales comme le Réseau Action Climat défendent le bilan global des renouvelables. Bastien Cucq a ainsi déclaré à l’AFP qu’un audit « complet et sérieux » devrait confirmer que « les retombées des renouvelables dépassent largement leurs coûts », notamment en évitant des importations coûteuses de combustibles fossiles.

Une décision dans un calendrier serré

Le gouvernement a indiqué qu’il ne comptait pas attendre les conclusions de cet audit pour avancer sur d’autres dossiers énergétiques, comme la baisse des prix de l’électricité ou l’électrification des usages. Parallèlement, les consultations se poursuivent pour finaliser la publication de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE3), dont le décret accuse deux ans de retard. Matignon promet une décision « courant décembre ».

Cette mission d’audit s’inscrit donc dans une période cruciale pour la définition de la politique énergétique française, tiraillée entre impératifs climatiques, contraintes budgétaires et souveraineté industrielle.

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