Depuis dimanche soir et l’annonce inattendue de la dissolution de l’Assemblée Nationale par Emmanuel Macron, le Rassemblement National n’a jamais été aussi près des portes du pouvoir. De quoi faire frissonner les professionnels des filières renouvelables quand on connaît le peu d’appétence des élus RN pour les renouvelables, avec une vraie hostilité pour l’éolien, l’avis sur le solaire étant plus mesuré. Dans les deux cas, l’intermittence est mise en avant de façon purement idéologique. Retour sur le programme « énergétique » du RN proposé par Jordan Bardella lors de ses élections européennes et sur une interview de Marine Le Pen donnée à Plein Soleil lors de la présidentielle 2017 ! Une éternité certes, mais pas sans intérêt…
Lors d’un débat télévisé de campagne sur LCI, David Pujadas avait lancé une thématique dédiée à l’énergie. Quand le tour fut venu d’évoquer le sujet avec Jordan Bardella, le journaliste lui proposa de passer son tour sur ces questions arguant qu’il avait déjà pris trop de temps sur son temps de paroles. Et Jordan Bardella, pas mécontent, de ne pas insister pour prendre la parole sur ce thème pourtant crucial pour l’avenir de l’Europe et du monde. Alors que le RN est dans les starting-blocks pour prendre les manettes du pouvoir, l’heure est désormais à l’analyse des propositions énergétiques de Jordan Bardella et des siens. Et justement, en matière d’énergie comme dans beaucoup d’autres domaines, pas de doute, le repli sur soi semble être la norme. Pour preuve…
« Nous nous opposons au développement des énergies intermittentes (éoliennes) imposées par l’UE »
Dans le domaine de l’énergie et dans son programme des Européennes, le Rassemblement National veut notamment faire « baisser de 30 à 40 % la facture d’électricité en rétablissant un prix français de l’électricité, par la fin des règles absurdes du marché européen de l’énergie. Ainsi, nous retrouverons un prix de l’électricité compétitif car proche des coûts de production sur le sol national » est-il explicitement écrit dans le programme.
Cette approche nationaliste à tous crins qui pousserait le RN à sortir du marché européen de l’énergie, ne ferait que fragiliser la sécurité d’approvisionnement du pays. À titre d’exemple, le marché européen a permis à la France de traverser la crise. Il lui a permis d’importer de l’énergie quand le nucléaire a été intermittent lors des grands travaux de rénovations des réacteurs. Sans lui, le prix de l’électricité aurait bien plus augmenté en 2022. La plupart du temps, le marché européen permet également à la France d’exporter l’énergie qu’elle ne consomme pas ! Pour « protéger le mix énergétique français », le RN appelle à investir dans les « technologies d’avenir – nucléaire de nouvelle génération, hydrogène, géothermie… ». Autant d’énergies très longues à mettre en place, encore peu mature pour ce qui est de l’hydrogène et, qui plus est, coûteuses.
Pas un mot sur le solaire mais une charge sur l’ingérence de l’Europe en matière de politique énergétique et de planification du développement des énergies intermittentes. « Nous nous opposons au développement des énergies intermittentes (éoliennes) imposées par l’UE » est-il écrit dans le programme. Le solaire semble un tantinet épargné. Reste qu’à proprement parler, il n’est pas question « d’ingérence européenne ». Le choix du mix énergétique des États membres n’est pas une compétence de l’Union. L’Europe émet, en revanche, des planifications des politiques énergétiques et industrielles que les États doivent respecter.
C’est précisément en se fixant, ensemble à l’échelle européenne, des objectifs de production que l’on parviendra à répondre à l’urgence climatique tout en assurant les besoins en énergie des consommateurs. Refuser cet exercice de planification et proposer un modèle du chacun pour soi, c’est s’interdire toute synergie positive entre les pays européens. Reste à savoir si l’urgence climatique a bien été intégrée du côté des élus RN qui mettent plus souvent en avant la fin du mois plutôt que la fin du monde – ou comment concilier pouvoir d’achat et lutte contre les changements climatiques !
Jordan Bardella, le bon élève des tenants de l’atome
Pour en savoir plus sur les intentions de Jordan Bardelle en matière d’énergie, nous sommes allés piocher dans une interview donnée avant les Européennes au très orienté organisme PNC-France pour la défense du Patrimoine Nucléaire et du Climat, association présidée par Bernard Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale, comptant parmi ses membres un ancien haut-commissaire à l’énergie atomique, plusieurs anciens ministres, des scientifiques, des ingénieurs, issus du CEA, d’EDF et de l’industrie nucléaire.
PNC-France avait décidé d’interroger les listes candidates aux élections européennes sur le sujet du nucléaire, de la production électrique et du marché de l’électricité, domaines dans lesquels l’Europe est aujourd’hui omniprésente, via un questionnaire très détaillé. L’association est modérément satisfaite des réponses et de leur niveau. Il y a d’abord ceux qui ne daignent pas répondre : Valérie Hayer, Raphaël Glucksmann, Marion Maréchal. Sans commentaire. Marie Toussaint, pour les verts, transmet un communiqué dans lequel le rejet total du nucléaire est réaffirmé. Les communistes, sans surprise, restent pronucléaires. Tableau d’honneur pour François-Xavier Bellamy et Jordan Bardella, dont les réponses sont jugées sérieuses et argumentées. Concentrons sur quelques réponses du leader du RN qui sans surprise a su séduire les adorateurs de l’atome, contempteurs invétérés des EnR affublées en permanence de leur « i » d’intermittence.
Verbatim : miscellanées des citations de Jordan Bardella
« Chaque État doit rester maître de son outil énergétique et de ses choix. Ainsi nous refusons les objectifs imposés à la France en matière de développement des EnRi tout comme nous refusons d’imposer aux autres États des objectifs en la matière ».
« L’objectif d’énergie décarbonée est un objectif majeur mais il ne peut, à lui seul, guider la politique énergétique d’un pays. La sécurité de l’approvisionnement et l’indépendance énergétique sont d’autres critères majeurs à prendre en compte. C’est pourquoi le Rassemblement National refuse la logique folle de fonder une stratégie énergétique uniquement sur les EnRi qui sont aléatoires et obligent à sécuriser l’approvisionnement avec du gaz ou du charbon voire du fioul. Encore une fois, chaque État reste libre de ses choix selon sa volonté et sa situation. La France peut, elle, bénéficier d’une énergie fortement décarbonée grâce à sa filière nucléaire ».
« Le Rassemblement National s’est déjà engagé sur ces textes en proposant ou en soutenant des amendements qui visent à supprimer le caractère transitoire du nucléaire. Ce statut est totalement incohérent : il condamne les États, à terme, à remplacer leur outil nucléaire par des EnRi soit investir massivement pour remplacer une énergie décarbonée par des énergies intermittentes et moins décarbonées ! Il faut bien évidemment que ces textes encouragent, sans aucune discrimination, le développement du nucléaire ».
« Une importante partie de la décarbonation de l’économie passera par l’électrification ainsi que le développement de nouvelles énergies comme l’hydrogène, elle-même fortement consommatrice d’électricité. Même si c’est un axe important souligné par le GIEC, la « sobriété énergétique » ne fera qu’atténuer la hausse de la consommation. On ne peut donc pas fonder notre politique uniquement sur les EnRi qui restent aléatoires, soumises aux conditions météorologiques (d’autant que le GIEC prévoit une baisse potentielle de l’activité éolienne de l’ordre de 8 à 10% en raison du changement climatique), ni sur la seule sobriété. Les besoins massifs en électricité nécessitent une production massive et stable que seul le nucléaire est capable d’apporter. L’Europe des projets que nous soutenons peut être l’occasion pour la France d’engager une diplomatie écologique : incarnant un modèle vertueux, grâce à sa maîtrise de l’énergie nucléaire, notre pays doit mener une politique proactive afin de faire valoir et déployer son savoir-faire technique et technologique auprès de ses partenaires ».
« Le Rassemblement National défend une vraie taxation carbone aux frontières de l’Union européenne. Contrairement à ce qui a été adopté par le Parlement, c’est-à-dire un ajustement des prix au niveau des pays européens, nous voulons une vraie politique de taxation pour protéger notre marché en rendant moins compétitif des produits importés de pays aux normes environnementales, sociales et fiscales moindres. Cette taxe incitera aussi à relocaliser la production en Europe sous nos propres règles et participera donc à réduire les émissions de CO2 ».
« Le solaire est une filière très prometteuse »
On l’aura compris. A travers ces réponses Jordan Bardella ne sera pas un âpre défenseur des EnRi s’il venait à gouverner la France. La filière éolienne peut légitimement craindre pour son avenir. Pour le solaire, le RN ne ferme pas la porte. Sur ce point, nous avons retrouvé dans « Plein Soleil » un entretien avec Marine Le Pen avant les Présidentielles de 2017, il y a sept ans de cela. Sa vision du mix énergétique était plus ouverte.
A l’époque, elle affirmait que « l’objectif doit être de se passer des énergies fossiles. Il faut pour cela s’appuyer sur la première transition énergétique qui a été réalisée avec la substitution d’une part importante de la consommation des énergies fossiles de la France par le nucléaire. La deuxième transition énergétique se fera avec le développement d’un mix d’énergies renouvelables. Le nucléaire assure la stabilité de la production d’électricité sans CO2 et à faible prix ; les énergies renouvelables permettent de produire de l’électricité à un coût aujourd’hui très compétitif. La production d’énergies renouvelables étant intermittente, la consommation étant aussi intermittente, la France a besoin d’un vecteur de stockage. L’hydrogène produit à prix raisonnable avec le nucléaire la nuit, les ENR le jour est de ce point de vue un excellent vecteur de stockage. Les piles à combustibles utilisant de l’hydrogène et rejetant de l’eau permettront de faire fonctionner à terme une partie importante de notre industrie et des transports, en complément de l’électricité ».
Sur le solaire en particulier, elle ajoutait : « Le solaire est une filière très prometteuse puisque l’énergie solaire tombant sur le sol de notre planète représente 5000 fois la consommation d’énergie de toute l’humanité ! Le photovoltaïque est la filière la plus prometteuse aujourd’hui puisqu’il permet de produire à bas coût et en quantité de l’électricité. Ceci est fondamental car il est hors de question de faire exploser le prix de l’électricité avec la nouvelle transition énergétique, les classes populaires et moyennes en souffriraient trop. Le solaire thermique est une énergie plus locale, principalement destinée à chauffer l’eau des maisons ou des immeubles. C’est à chaque Français de décider de son intérêt, selon le coût des travaux. L’Etat doit jouer son rôle pour protéger les citoyens : l’information et la règlementation doivent être claires et compréhensibles pout tous. Un prêt à taux 0% sur 10 ans avec l’aide de la Banque de France pour tout Français installant du solaire thermique pourrait être une bonne idée : il permettrait de réaliser des économies d’énergie, l’argent économisé sur la facture remboursant alors les échéances de l’emprunt ». Marine Le Pen plébiscitait même l’autoconsommation d’énergie solaire la qualifiant « d’excellente chose qu’il faut l’encourager ».
Le soleil brille pour tout le monde.
« On ne lutte pas contre une idée dont le temps est venu », citation de Victor Hugo pour certains, apocryphe pour d’autres. L’énergie solaire s’impose partout dans le monde, en énergie de paix et de consensus. Le soleil brille pour tout le monde. L’énergie solaire a la capacité de dépasser les clivages politiques et idéologiques. Il n’y qu’à regarder de l’autre côté des Alpes, en Italie, avec la nationaliste Giorgia Meloni au pouvoir, l’énergie solaire se déploie à vitesse grand V. Un exemple pour le RN ! L’énergie solaire a la capacité d’ébranler toutes les convictions, même les plus ancrées. Elle est, qui plus est aujourd’hui, l’un des plus sûrs outils de souveraineté nationale. Le RN devrait y être sensible. De quoi être un peu moins intransigeant sur son intermittence pour laquelle des solutions existent déjà et se mettent place…
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