Alors que le projet de loi de programmation énergie climat doit être annoncé prochainement, la filière solaire française a plus que jamais besoin du soutien de la puissance publique. Pour l’instant, les industriels français payent le prix fort des mesures de protectionnisme de la Chine et des Etats-Unis, observent ces acteurs du solaire (Paul Toulouse, Directeur général de Systovi, Lucas Weiss, Directeur Général de Voltec Solar, Jan Jacob Boom-Wichers, Président-Directeur d’Holosolis, Pierre-Emmanuel Martin, cofondateur et président de CARBON) dans une tribune publiée hier sur le site du quotidien « Les Echos ».
« Les acteurs industriels du solaire français sont pris dans un étau : d’un côté, l’IRA américain qui subventionne massivement la production solaire Made in USA et d’un autre côté, un dumping chinois qui inonde le marché européen de modules photovoltaïques à prix cassés en raison de la surcapacité de production en Chine et de la fermeture des autres marchés. Ceci nous conduit aujourd’hui à avoir plus d’un an d’avance de stocks de panneaux chinois dans les entrepôts portuaires européens. Il est temps de retrouver la raison, qui en la matière porte un nom : la régulation.
D’autant plus que les conséquences de ce manque de régulation sont déjà là. La fabrication européenne de panneaux solaires subit un effondrement : elle est passée de 9 GW à 1 GW en un an (selon l’enquête menée par l’ESMC1 en août 2023 auprès de 15 fabricants européens de produits photovoltaïques). Si les pouvoirs publics ne réagissent pas rapidement, nous courons vers des fermetures d’usines, l’abandon de projets industriels d’ampleur et une désindustrialisation de la filière du solaire. Rien qu’en France, ce pourrait être plus de 5.400 emplois directs menacés d’ici 2025. Les industriels européens et français n’ont pas le choix : ils stoppent leurs usines pour limiter l’accumulation des stocks, et s’exposent pour l’heure à des risques d’insolvabilité.
Si nous voulons maintenir et développer les emplois et les compétences de la filière photovoltaïque en France et en Europe, consolider et massifier notre industrie solaire pour être plus résilients et indépendants, il est urgent de restaurer des conditions de marché équitables à l’échelle internationale, en particulier au niveau européen.
Six mesures phares
En tant qu’industriels français, nous préconisons six mesures phares pour répondre à ces enjeux économiques, humains et sociétaux. D’abord, un engagement de la puissance publique à flécher 100 % de la commande publique en matière solaire vers le Made in France, a minima le Made in Europe et, à très court terme, à acheter les stocks existants ce qui donnerait une visibilité aux industriels.
Mais aussi, la création d’un outil européen de financement ciblé pour les fabricants de produits photovoltaïques et la chaîne industrielle en amont (équipements, matières premières et composants), afin de pallier les limites des aides d’Etat au titre du cadre temporaire pour la transition et la crise (TCTF). Cette banque devra financer temporairement les nouveaux investissements, mais également accompagner le développement d’acteurs déjà installés ou en cours d’installation en soutenant les coûts d’exploitation, comme le font les Américains (IRA) et les Chinois.
Nous comptons sur les pouvoirs publics , à l’échelon européen comme national pour renforcer la prise en compte des critères hors prix dans les appels d’offres ainsi que dans l’éligibilité aux subventions, et cela afin de valoriser les bénéfices environnementaux et sociaux des modules photovoltaïques fabriqués en Europe. Il faudrait également créer un label ou un outil équivalent permettant d’indiquer clairement et de manière incontestable la part de la valeur ajoutée européenne au sein d’un panneau solaire.
Sécurité énergétique européenne
Il est important de raisonner en termes de souveraineté et sécurité énergétique européenne en accordant des incitations fiscales supplémentaires pour les installations photovoltaïques dont les panneaux et onduleurs sont européens, et qui compenseraient le surcoût des équipements européens par rapport aux produits Chinois « dumpés ». Enfin, réservons les subventions et tarifs bonifiés uniquement aux équipements photovoltaïques produits par des sociétés à capitaux majoritairement européens (minimum 66 %).
La transition énergétique est plus qu’un coût à payer pour la décarbonation : c’est un enjeu de souveraineté, d’indépendance, de réindustrialisation et d’emploi local. Donnons-nous les moyens d’ancrer et de développer notre outil industriel et les savoir-faire associés sur nos territoires. Cela passe entre autres par une industrie solaire française forte, compétitive, responsable et pérenne. En France, les acteurs industriels du solaire sont prêts à relever ce défi. »
Abonnez-vous maintenant à la Newsletter.
Inscription gratuite !