Mission Lévy-Tuot : audit des soutiens aux énergies renouvelables, enjeux et réactions du secteur

Le gouvernement a confié une mission d’audit sur les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables électriques et au stockage. Portée par deux figures majeures du secteur énergétique, cette initiative vise à optimiser la dépense publique pour atteindre les objectifs climatiques. Elle intervient dans un contexte de forte attente autour de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) et suscite des réactions contrastées parmi les professionnels des énergies vertes.

Objectifs et périmètre de la mission gouvernementale

Le Premier ministre a chargé Jean-Bernard Lévy, ancien PDG d’EDF et président du Conseil Français de l’Énergie, et Thierry Tuot, conseiller d’État et ancien directeur général de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), d’une mission de trois mois. Son mandat est clair : proposer un modèle de soutien public aux énergies renouvelables (éolien, solaire) et au stockage d’électricité qui soit plus efficace, soutenable financièrement et mieux partagé entre acteurs publics et privés.

La mission examinera notamment la répartition des risques entre l’État et les producteurs, ainsi que les leviers de financement privé mobilisables. Matignon a précisé que cet audit était distinct de la préparation de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui définit les volumes et la stratégie énergétique de la France.

Un contexte budgétaire et industriel exigeant

Cette mission s’inscrit dans un double constat. D’une part, le contexte budgétaire contraint l’État à une rigueur accrue. D’autre part, les filières éolienne et solaire ont atteint une maturité technique et économique qui interroge la pérennité des dispositifs de soutien historiques, comme les tarifs d’achat ou les appels d’offres. L’enjeu est de calibrer les aides pour accompagner la transition sans peser excessivement sur les finances publiques.

Les réactions du secteur des énergies renouvelables

L’annonce de cette mission a provoqué des réactions vives, notamment de la part du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER). Son président, Jules Nyssen, a initialement fait part de son émotion, pointant du doigt le choix d’un ancien PDG d’EDF pour auditer les filières renouvelables et regrettant d’avoir appris la nouvelle par la presse.

Il a ensuite nuancé ses propos, présentant ses excuses à Jean-Bernard Lévy pour la forme tout en réitérant le fond de son inquiétude. Il a salué l’action de l’ancien patron d’EDF en faveur des renouvelables, mais souligne que la mission doit avoir une vision large. Pour le SER, l’audit ne doit pas se limiter au coût des ENR, mais doit analyser « l’indispensable électrification de notre pays en mobilisant de manière diversifiée l’ensemble de nos atouts de production ».

Enerplan prône l’apaisement et une vision systémique

Daniel Bour, président du syndicat Enerplan, a adopté un ton plus conciliateur. Il plaide pour une position commune de la filière et saisit cette occasion pour relancer une proposition clé : la création d’un Observatoire des coûts des ENR et du nucléaire.

« Nous avons besoin pour 2027 d’un document cadré et reconnu sur l’ensemble des coûts des filières énergie », explique-t-il. Cet observatoire permettrait une comparaison transparente en intégrant tous les coûts indirects (fiscalité, raccordements, réglementation). Pour Enerplan, l’objectif est d’atteindre, via le couplage solaire et stockage, une compétitivité sous la barre des 70€/MWh.

Les défis sous-jacents : stockage, flexibilité et incertitude réglementaire

Au-delà des mécanismes de soutien, la mission Lévy-Tuot devra se pencher sur des enjeux structurants pour le système électrique.

Le stockage, clé de voûte de la transition

Le développement massif des énergies intermittentes (éolien, solaire) rend indispensable le déploiement de solutions de stockage et de flexibilité pour garantir l’équilibre du réseau. Les pistes d’amélioration sur ce point sont attendues avec intérêt par l’ensemble de la filière.

L’attente de la PPE et ses conséquences opérationnelles

Daniel Bour alerte sur les conséquences concrètes du retard de la PPE et de l’incertitude qu’il génère. Si 2025 s’annonce comme une bonne année pour le solaire, les appels d’offres se font attendre, créant un « moratoire de fait » préjudiciable, surtout pour les PME du secteur. « Les macros peuvent attendre, les micros […] ne peuvent pas vivre dans cette incertitude, avec des dégâts sociaux en corollaire », prévient-il.

La mission Lévy-Tuot représente donc un épisode important dans la gouvernance de la transition énergétique française. Ses conclusions, attendues d’ici trois mois, devront concilier efficacité économique, soutenabilité budgétaire et impératif climatique, tout en restaurant un climat de confiance avec des filières renouvelables en quête de visibilité et de reconnaissance.

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