Le potentiel du solaire décentralisé au Maroc : entre 8,57 GW et 28,58 GW

Le Maroc se trouve à un moment décisif de sa transition énergétique, selon une étude récente de l’initiative Imal pour le climat et le développement. Les systèmes électriques renouvelables décentralisés (SERD) représentent une solution prometteuse pour accélérer cette transition tout en générant d’importants bénéfices économiques et environnementaux.

Trois scénarios pour le développement du solaire décentralisé

Les chercheurs Anas Hmimad et Rachid Ennassiri ont modélisé trois scénarios de déploiement des SERD à l’échelle nationale, en se basant sur une méthodologie complète incluant :

• La surface de toiture disponible pour l’installation de panneaux photovoltaïques
• La production potentielle d’électricité associée
• Le coût moyen d’installation
• L’intégration des technologies complémentaires (batteries, véhicules électriques)
• Les émissions de CO₂ évitées

Scénario optimiste : un potentiel considérable

Dans le scénario le plus favorable, le déploiement des SERD pourrait permettre de produire jusqu’à 66,8 TWh d’électricité, correspondant à une capacité photovoltaïque installée d’environ 28,58 GW. Ce développement générerait un marché économique estimé à 31,08 milliards de dollars et éviterait près de 48,19 millions de tonnes de CO₂.

Scénario médian : une contribution significative

Le scénario médian prévoit une production d’environ 40,1 TWh pour 17,15 GW de capacité photovoltaïque installée. Ceci représenterait un marché potentiel de 18,65 milliards de dollars et une réduction de 28,91 millions de tonnes de CO₂.

Scénario pessimiste : des bénéfices malgré tout

Même dans l’hypothèse la moins favorable, les SERD offriraient une contribution notable avec 20,05 TWh produits, 8,57 GW installés, 9,3 milliards de dollars de marché potentiel et 14,46 millions de tonnes de CO₂ évitées.

L’intégration avec les véhicules électriques

L’étude souligne la complémentarité entre le solaire décentralisé et le développement des véhicules électriques. D’ici 2035, le Maroc devrait compter environ 2,5 millions de véhicules électriques en circulation, conformément aux projections de la Stratégie Nationale Bas-Carbone 2050.

Ce parc représenterait une capacité totale de stockage d’environ 39 420 GWh, soit l’équivalent de 91% de la demande électrique nationale projetée pour 2035. Le solaire sur toitures pourrait couvrir entre 59% et 98% de la demande de recharge de ces véhicules dans les scénarios optimiste et médian.

Les défis réglementaires et institutionnels

Pour exploiter pleinement ce potentiel, les auteurs identifient plusieurs obstacles majeurs. Le pays manque encore d’arrangements institutionnels, réglementaires et incitatifs favorisant durablement la croissance des SERD dans les foyers, entreprises, écoles, exploitations agricoles et bâtiments publics.

Recommandations pour accélérer le déploiement

Les chercheurs formulent plusieurs recommandations clés :

• Opérationnaliser la loi 82-21 sur l’autoproduction d’ici 2026 en publiant les décrets d’application
• Mettre en place le comptage bidirectionnel et les mécanismes de compensation financière
• Investir dans les réseaux intelligents (smart grids) pour renforcer la flexibilité du système
• Créer un Fonds national d’intégration des SERD pour soutenir l’investissement des ménages et PME

Perspectives pour l’avenir énergétique du Maroc

Le développement des systèmes électriques renouvelables décentralisés représente une opportunité unique pour le Maroc de renforcer sa sécurité énergétique, de réduire sa dépendance aux importations d’énergies fossiles et de positionner le pays comme leader régional dans la transition énergétique. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, les énergies renouvelables décentralisées joueront un rôle crucial dans la décarbonation des systèmes énergétiques mondiaux.

La mise en œuvre des recommandations du rapport pourrait permettre au Maroc d’atteindre ses objectifs climatiques tout en créant des milliers d’emplois dans la filière des énergies renouvelables.