Production de modules solaires en Europe : coûts, défis et perspectives

L’industrie photovoltaïque européenne pourrait atteindre des coûts de production compétitifs, autour de 0,15 € par watt, selon les experts réunis lors d’un atelier spécialisé à Constance. Cette perspective ouvre la voie à une relance de la fabrication solaire sur le continent.

Un potentiel de production à 0,15 €/W en Europe

Lors de l’atelier Modules and Materials organisé à Constance en Allemagne, Peter Fath, PDG de RCT Solutions, a présenté des projections optimistes pour la fabrication européenne de modules solaires. Selon ses estimations, une usine européenne d’assemblage de 1 GW utilisant la même chaîne d’approvisionnement que les fabricants chinois de premier plan pourrait atteindre des coûts de production entre 0,11 et 0,12 €/W.

« Produire des modules à 0,15-0,16 €/W est déjà réaliste », affirme Fath. « Pour atteindre ces prix, il faut des équipements capables de fonctionner à l’échelle du gigawatt et un haut niveau d’automatisation. Il est aussi nécessaire d’utiliser les mêmes matériaux que nos concurrents chinois. »

Les conditions de la compétitivité européenne

Plusieurs facteurs rendent cette compétitivité possible selon les experts présents à l’atelier organisé par RCT Solutions et ISC Konstanz.

Automatisation et économies d’échelle

La main-d’œuvre n’est plus un facteur déterminant grâce à l’automatisation et aux grandes échelles de production désormais possibles en Europe. Les avancées technologiques permettent de compenser les différences de coûts salariaux avec l’Asie.

Approvisionnement en matières premières

Avec une production de cellules en Europe et des wafers importés de Chine ou d’Inde, un coût de production de modules de 0,15 €/W est facilement réalisable. Si la fabrication des lingots et wafers se faisait également en Europe, les coûts pourraient légèrement augmenter, jusqu’à 0,17-0,18 €/W.

Le défi de la concurrence internationale

Peter Fath déplore que les produits chinois soient actuellement vendus en Europe en dessous de leur coût de production, y compris les matières premières. Selon lui, la différence de prix réelle entre modules chinois et européens, en comparant à coûts équivalents, se situe autour de 15 à 20 %.

Laura Sartore, directrice générale d’Ecoprogetti, estime que des coûts de fabrication de 0,10-0,11 €/W permettraient à l’industrie solaire européenne de se développer sans subventions publiques, celles-ci ne devant servir qu’à combler temporairement les écarts.

La nécessité d’usines à grande échelle

Lors de l’atelier, Puzant Baliozian du VDMA a insisté sur la nécessité de construire des usines de 5 à 10 GW en Europe pour atteindre une véritable compétitivité.

« Nous avons déjà 28 fournisseurs européens d’équipements PV avec toutes les technologies prêtes, souligne-t-il. Le marché mondial des équipements photovoltaïques devrait atteindre 43,8 milliards d’euros d’ici 2035. Sommes-nous prêts à abandonner cette opportunité ? »

L’urgence d’agir pour préserver l’expertise européenne

Radovan Kopecek de l’institut ISC Konstanz avertit qu’il faut agir vite pour créer une industrie PV européenne tout en conservant une main-d’œuvre hautement qualifiée. Michael Schmela, de SolarPower Europe, rappelle les difficultés politiques au niveau européen, entre les intérêts nationaux et la pression des lobbies fossiles, mais souligne que des alliances entre pays comme la France, l’Italie et l’Allemagne pourraient faire la différence.

Deux approches françaises pour la production solaire

Deux entreprises françaises, Holosolis et Carbon, prévoient chacune de construire des usines de 5 GW, mais avec des approches différentes :

  • Holosolis s’associe au chinois Trinasolar
  • Carbon privilégie un écosystème européen mais reste ouvert à l’importation de certains équipements chinois

Selon Frank Feldmann de Holosolis, « un risque de marché élevé ne peut être réduit que par des réglementations solides. Nous avons besoin de partenaires et du savoir-faire chinois, il n’est pas nécessaire que 100 % de la production soit en Europe ».

Xabier Otaño de Mondragon complète : « Économiser sur le Capex n’influence presque pas le prix final d’un module. Pour reconstruire l’industrie européenne, il faudra sans doute combiner l’écosystème européen et chinois. »

Perspectives pour l’industrie solaire européenne

La renaissance de la production photovoltaïque en Europe semble possible à condition de combiner plusieurs éléments clés : réglementation favorable, investissements dans des usines à grande échelle, automatisation poussée et partenariats stratégiques. Les projections présentées à Constance montrent que la compétitivité des coûts est atteignable, ouvrant la voie à une relance industrielle dans le secteur des énergies renouvelables.


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