Programmation énergétique : vers une recomposition majeure du mix français entre nucléaire et renouvelables

La proposition de loi de programmation énergétique, souvent appelée « loi Gremillet », suscite de vives réactions. Débat central : le choix entre relance du nucléaire et ralentissement des énergies renouvelables comme l’éolien et le photovoltaïque.

1. Contexte législatif et objectifs nationaux

Le cadre global pour la politique énergétique française repose sur deux piliers : la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). La PPE fixe des objectifs pour 2030 et 2035 : baisse de la consommation d’énergie fossile, multiplication du photovoltaïque par six d’ici 2030, et développement de 18 GW d’éolien en mer d’ici 2035.

En parallèle, les lois relatives à l’accélération du nucléaire (22 juin 2023) facilitent l’implantation de nouveaux réacteurs EPR2 et la prolongation des unités actuelles, supprimant la limite de 50 % de nucléaire dans le mix électrique.

2. Les principaux amendements de la loi Gremillet

2.1 Moratoire sur les installations éoliennes et photovoltaïques

Adopté le 19 juin 2025, ce moratoire stoppe toute nouvelle installation éolienne ou photovoltaïque, marquant un tournant dans la PPE renforcée. Pour de nombreux acteurs, ce coup d’arrêt menace des milliers d’emplois et fragilise les objectifs environnementaux à court terme.

2.2 Relance du nucléaire et réouverture de Fessenheim

Dans le même temps, la loi introduit la réouverture de la centrale de Fessenheim (fermée en 2020) et réaffirme le recentrage du mix sur le nucléaire, soutenant ainsi les ambitions de rallonger la durée de vie des centrales et de développer de nouveaux EPR.

2.3 Effets sur les autres filières

La loi gomme les objectifs en matière de biocarburants, affaiblit les exigences de rénovation énergétique et met en pause l’hydrolien et l’efficacité énergétique dans le bâtiment.

3. Réactions des acteurs du secteur

Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) parle d’un « texte d’irresponsabilité énergétique » et alerte sur la suppression d’objectifs clés. Avec 160 000 emplois potentiellement menacés, le SER appelle les députés à rejeter la loi.

Le ministre de l’Énergie, Marc Ferracci, qualifie le moratoire de « signal désastreux » pour la filière et ses investissements. La députée Sandrine Rousseau souligne les dangers climatiques et structurels d’un tel recul.

4. Enjeux technico-économiques

4.1 Sécurité énergétique

Le nucléaire assure une production stable, mais ne peut pas répondre aux besoins accrus à court terme : il faut compter sur les renouvelables pour assurer la montée en charge rapide et la flexibilité du système.

4.2 Émissions et obligations climatiques

La France vise la neutralité carbone en 2050. Un moratoire enlève une partie de la hauteur d’objectifs fixés dans la SNBC et la PPE, fragilisant l’atteinte de la part de 44 % d’énergies renouvelables attendue d’ici 2030.

4.3 Emplois et filières industrielles

Les énergies renouvelables représentent une filière industrielle dynamique : 160 000 emplois menacés selon le SER. Les appels à projets, les termes financiers et logistiques risquent d’être ralentis, menaçant la chaîne de valeur nationale.

5. Perspectives et recommandations

  • Relancer les filières renouvelables dans le cadre d’une trajectoire claire : fin de moratoire avec appel d’offres transparent, respect du calendrier PPE.
  • Harmoniser nucléaire et renouvelables : planification optimisée garantissant équilibre, sécurité et réduction des gaz à effet de serre.
  • Renforcer les outils d’efficacité énergétique et rénovation : indispensable pour diminuer la consommation et absorber le pic des renouvelables.
  • Assurer une gouvernance claire, incluant concertation avec collectivités, associations et industriels, pour éviter une bipolarisation nuisible.

La proposition de loi Gremillet redéfinit radicalement la trajectoire énergétique de la France en recentrant le débat sur le nucléaire. Mais son moratoire sur les renouvelables risque de freiner la transition écologique, compromettre la sécurité énergétique à court terme et mettre en péril des milliers d’emplois. L’enjeu est désormais de convertir ce texte en une feuille de route cohérente, qui soit à la fois ambitieuse, pragmatique et équilibrée.

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